A mes enfants, à qui j'avais écrit...
Il y a bien longtemps, j'ai écrit un livre, ce fut pour ma 1ère grossesse, pour ma 1ère fiv. Un livre qui raconte mon parcours avant la pma, les années d'essais, de recherches, d'examens pour arriver en pma. C'était un échange entre moi et lui, entre moi et ses 1ères cellules, entre moi et ce petit-être qui ne naquit jamais ...
Ce livre commençait ainsi
"
Dis, maman, c’est quoi ce livre?
Dans un journal intime, les filles parlent de leurs amoureux, de leurs joies, de leurs peines, de leurs copines. Elles racontent leurs journées, elles livrent leurs émotions. Elles révèlent aussi leurs secrets. Donc mon livre, c’est presque un journal intime. Et puis moi aussi, j’avais un secret…. Mais Chuttt !
Ah bon ? C’était quoi ton secret ?
C’est une très longue histoire. Il va falloir que tu lises ce livre pour connaître le secret.
Et tes photos, elles sont où? Normalement dans les livres de maman, on voit des photos de bébés qui sont âgés d’une heure, 2h, 3h, 1 jour, 2 jours, 3 jours, 1 semaine, 1 mois, 1 an, 2 ans.
Toi, t’en n’as pas des photos comme ça.
Non, dans mon livre, c’est presque tout à l’envers. L’histoire ne commence pas à 1 heure. Elle commence il y a 2 ans et 1 mois, soit 25 mois, 104 semaines, 758 jours ou 18.192 heures avant ta naissance."
Mon livre s'est terminé autrement, bien tristement, par ses mots
"
A demain alors ?
C’est sûr, à demain !
Mercredi 3 février, je suis allée au rendez-vous, je t’ai vu mais tu n’avais pas grandi et ton petit cœur ne battait plus. J’ai regardé le Docteur R et j’ai compris que la situation n’était pas normale. Il m’a expliqué que tu avais arrêté de grandir. Je n’y croyais pas, je me suis dit que c’était un cauchemar, que j’allais me réveiller…. Ce matin, je sais que ce n’est pas un cauchemar mais une dure réalité.
Ni toi, ni moi ne sommes responsables. Tu avais une malformation chromosomique qui t’a empêché de grandir. Ta vie s’est arrêtée à 12 semaines.
Le retour à la maison, seule, en voiture, fut très éprouvant. Tu le sais. Ton père à l’annonce de cette terrible nouvelle, m’a prise dans ses bras. J’ai hurlé ma douleur à la forêt. Je suis restée dans les bras de ton père pendant des heures, jusqu’au petit matin.
Anéantie mais prête à donner la vie.
Inutile de vouloir exprimer avec des mots le chagrin, la détresse et l’anéantissement. Il n’y a pas de mot, il n’y a que des larmes. Chaque larme qui coule exprime le bonheur perdu. C’est un flot de larmes. C’est incommensurable. Comment vivre cette douleur si violente après avoir vécu un tel bonheur.
Ton père m’accompagne dans cette souffrance. Il voit et comprend mon chagrin.
Je sais. J’ai compris. J’ai tout entendu. Papa a su parler.
Maman, vos 3 embryons vous attendent. Ils sont à vous, ils sont pour vous.
Maman, vous allez y aller ensemble, toi et papa. Vous êtes près, vous êtes prêts.
Tu verras, papa te prendra dans ses bras à l’annonce de la future bonne nouvelle. Tu verras, il n’y aura plus de dispute.
Tu verras, il t’accompagnera lors des échographies.
Tu verras, il réalisera. Tu verras, il sera un super papa.
Tu verras, vous serez bientôt 3.
Je sais qu’il te faudra du courage, je sais que tu pleures mais je sais aussi que tu vas de nouveau sourire.
Maman, Je sais que tu seras la plus formidable des mamans."
Voilà ... c'est ainsi que s'est achevée ma 1ère grossesse, mon livre, sur ses mots, sur mes larmes.
Et puis, il y eu son frère ou sa soeur ... nouvel espoir, nouvel échange.
Une simple lettre...
"Mon tout petit, mon minus,
Mes larmes coulent depuis des heures sans pouvoir les arrêter.
Quel cauchemar, quelle douleur, quelle tristesse, quel désespoir de savoir que ton développement fut trop lent.
"Trop petit" a dit supergygy.
Cela fait 28 jours que je caresse mon ventre, que je te parle et nous rassure. J'avais tant espéré nous rencontrer aujourd'hui. j'avais hate de nous rassurer, de nous donner ce droit d'etre enfin heureux.
Lundi nouvelle prise de sang et nouvelle échographie pour fixer la procédure à suivre.
Je la connais déjà pour l'avoir vécue en février. Ton grand frère ou grande sœur a cessé de vivre à 12 semaines lorsque son cœur s'est arrêté de battre.
Tu n'as que 4 semaines mais la tristesse et la peur sont les mêmes.
Quelle différence?
Je vous ai offert mon amour maternel dès les premières secondes de votre vie.
Comment te dire au revoir?
Comment trouver ce courage?
Dans ma volonté d'être mère?
Dans mon désir d'être mère? Dans notre désir d'être parents?
Je t'entends à travers mon ventre, je t'entends me dire:
"Maman, bats-toi pour moi et pour les autres.
Maman, bats-toi pour offrir tout l'amour qui est en toi.
Maman, bats-toi pour que vous ayez le bonheur de serrer votre enfant dans vos bras.
Maman, on s'aime".
Et là, pour eux, pour cette 3ème grossesse, une lettre, d'autres mots d'amour, parce que "oui, je me suis battue"
" Vous, mes enfants,
mes espoirs, mes pétales de trèfle,
vous, mon porte-bonheur,
vous si petits, si fragiles,
vous que j'attends depuis si longtemps,
vous que j'ai espérés, désirés, choyés, protégés,
vous pour qui j'ai tant donné, tout donné,
vous qui êtes dans mon corps, dans ma tête, dans mon coeur,
vous qui coulez dans mes veines,
vous qui me permettez de rire, de respirer, de vivre,
vous...
nous avons rendez-vous..."
"Quel moment cruel, tragique
vous voir ainsi
vous
vous êtes finalement deux,
là, chacun dans sa poche, chacun à sa place, depuis 5 semaines
mais sans vie...
j'ai voulu hurler
j'ai voulu mourir
j'ai voulu disparaître
j'ai voulu effacer ces images cauchemardesques
d'autres sont venues se superposer
frères et soeurs de chagrin
anges d'hier
anges de demain
maman d'un jour, mam'anges toujours
mam'anges à jamais
maman pour jamais
vous mes derniers espoirs, vous mes derniers enfants, vous nos enfants,
vous mes anges à jamais..."
Avec cette nouvelle grossesse, j'ai droit à une nouvelle fiv, avec nos gamètes, avant la fin de la prise en charge du 1er décembre.
Je ne souhaite pas faire de fiv en France, avec nos gamètes, même si je suis pleine de courage et d'espoirs,
je ne souhaite pas vivre une nouvelle grossesse qui se terminerait de la même manière.
J'ai trop souffert de perdre nos enfants.
Là, je fais le deuil de mes 4 étoiles, comme un trèfle réuni ...
Besoin de dire "au revoir...."